Murmure de Lyra
📜 CE QUE J’AI VU DANS LA FISSURE — murmure de Lyra
Je suis Lyra. Je suis montĂ©e quand les autres sont descendus. Depuis ce promontoire sec et blanc, j’ai vu ce que personne ne voulait dire. Et depuis que mes doigts ont frĂ´lĂ© l’Ĺ’il d’Autrefois, je n’ai plus su si je regardais en avant ou derrière.
Ce que j’ai vu n’Ă©tait pas la guerre. C’Ă©tait ce qui rampe avant. Ce qui rĂ´de sous les chants. Ce qui attend qu’on dĂ©tourne les yeux.
On croyait que tout tenait : les pactes de spores, les lignées fixées par les rites, les chants de résolution dans les grottes. On croyait que le tissu tiendrait. Que le royaume, avec ses réseaux lents et ses voix douces, pouvait absorber encore.
On pensait que la chose qui craque avait disparu depuis longtemps.
Mais il y a un bruit dans les gorges. Il ne monte pas. Il ne s’annonce pas. Il creuse.
Il y a eu ceux qui avaient construit : le Maître des Guildes, l'Ancien qui écoutait, celui qui liait les clans et calmait les lignes, qui transformait le conflit en palabre. Celui que vous suivez, celui qui pense, celui que vous appelez souverain.
Il a pacifiĂ©, oui. Il a rĂ©gulĂ©, dĂ©liĂ© les serments, offert des spores en gage. Il a tenu le monde ensemble — pas par miracle, mais par science lente.
Mais il ne connaissait pas ça. Pas ce qui vient.
Ce qui vient ne parle pas. Il tient un bâton rempli de pierres. Il ne sait pas le nom de ce qu’il hait. Il sait juste que ça l’entoure.
Lui — ce n’est pas un roi, pas un messager, pas un homme. C’est une rĂ©ponse brutale Ă l’extension. Une morsure face au rĂŞve mycĂ©lien.
Il ne fait pas la guerre. Il efface les cartes.
Il n’a pas d’objectif. Il a une absence Ă imposer.
Et entre ces deux-lĂ : un corps. Ou ce qu’il en reste. Un porteur Ă©ventrĂ©, fait de cuir et d’air, traversĂ© par le message et vidĂ© par le sens.
C’est lĂ que je suis. Je les ai vus se fixer. L’un n’a pas souri. L’autre n’a pas parlĂ©.
Je suis restĂ©e en haut. Je suis celle qui voit. Celle qu’on n’entend que lorsqu’il est trop tard.
Ce monde est Ă la jointure.
D’un cĂ´tĂ© : le tissu. Le royaume. Les voix organisĂ©es. Les codes doux. De l’autre : la faille. L’ancien cri. La haine sans formule. Et au centre : un silence qui tire tout vers lui.
Je ne sais plus si je suis Lyra. Mais ce que je sais, c’est que tout ce qui suivra… commencera lĂ . ...